Ce matin, quand je suis parti d'Antartiko pour entamer cette 90e étape de ma performance Ex-tracés, je ressentais une sorte d'enthousiasme mêlé à une légère appréhension. Ce 14 juin 2022 représentait pour moi bien plus qu'une simple marche de 29 kilomètres à travers les montagnes grecques. En franchissant cette étape, je pénétrais dans mon dixième pays depuis le départ de Paris, ayant déjà parcouru plus de 2700 kilomètres.
La journée a débuté par une ascension exigeante jusqu'à environ 1556 mètres d'altitude, suivie d'une descente abrupte de 800 mètres en direction de la ville de Florina. Malgré les défis physiques, mon moral était au beau fixe, en partie grâce à la chaleureuse hospitalité rencontrée à l'auberge Villa Rosa, où j'avais passé la nuit précédente. L'accueil familial y était particulièrement touchant : trois générations s'affairaient harmonieusement à faire tourner ce lieu animé par les habitués du coin.
À la fin de la 90e étape de ma performance Ex-tracés, cette photo montre mon MacBook Pro posé sur une table en terrasse à l’hôtel King Alexander, à Florina. L’ordinateur affiche la cartographie visuelle que j’étais en train de finaliser : une mosaïque d’images et de matières associées aux étapes du parcours, marquant les lieux où j’ai inscrit différents passages de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. C’est ici, à Florina, que j’ai inscrit le 90e passage, sur la pelouse même de l’hôtel, avec l’accord bienveillant du gérant. Ce moment, calme et concentré, fut accompagné d’une bière offerte, face aux montagnes grecques.
Marcher en Grèce, après avoir traversé l'Albanie et ses routes particulièrement défoncées, représentait un contraste marquant : ici, les routes, signe d'un pays intégré à l'Union Européenne et bénéficiant d'une meilleure infrastructure, devenaient subitement plus praticables et confortables. Je sentais que mon équipement commençait à souffrir de l'usure accumulée : mes chaussures, éprouvées par les chemins caillouteux, montraient clairement des signes de fatigue. J'espérais vivement qu'elles tiendraient jusqu'à Thessalonique, où je prévoyais une pause réparatrice. Mon bâton, fidèle compagnon, avait lui aussi perdu une partie de sa pointe métallique, symbole tangible de la route parcourue.
90e passage de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés inscrit en braille avec des cailloux sur la pelouse de l'hôtel King Alexander à Florina en Grèce. Ici précisément : 40°46'53.4"N 21°23'52.1"E. Est écrit : «…es circonstances à la suite de… ».
90e passage de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés inscrit en braille avec des cailloux sur la pelouse de l'hôtel King Alexander vue sur la ville de Florina en Grèce.
En atteignant Florina, je me suis installé à l’hôtel King Alexander, où j’ai été chaleureusement accueilli. Le calme régnait, loin de la pleine saison touristique, et je pouvais contempler la ville paisible étendue en contrebas. Inspiré par le lieu et son ambiance, j'ai proposé au gérant de marquer cette étape symbolique en inscrivant sur la pelouse de l’hôtel une mention dédiée au 90e passage de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Avec son accord enthousiaste, cette inscription face à Florina devenait un geste simple, un témoignage discret et symbolique de ma démarche artistique.
Ainsi, cette étape à travers les montagnes grecques s’est terminée sur une note à la fois poétique et engagée. Chaque kilomètre parcouru renforce en moi cette conviction profonde : la beauté est devant nous, nous marchons ; la beauté est derrière nous, nous marchons.
RD