Mesurer l'écart entre le tracé et le marché, le lisible et le visible.
Cette performance explore la tension qui apparaît lorsqu’un cercle, figure parfaite sur la carte, se confronte à la géographie réelle, à la ville, à ses irrégularités et à ses inattendus.
Tracer un cercle.
Déterminer un rayon de 3,14 km centré sur le point zéro des routes de France (Notre-Dame de Paris). Ce cercle, rigoureux sur la carte, devient la contrainte initiale, une sorte de ligne idéale à éprouver par la marche.
Marcher au plus près du tracé.
Suivre la couronne dessinée, la sentir se déformer au contact du terrain.
À chaque instant, la ville impose ses détours, ses angles morts, ses bifurcations.
Le marcheur tente de rester fidèle à la ligne, mais la ligne s’échappe, se déplace, résiste.
C’est dans ces écarts — involontaires, techniques ou poétiques — que la performance prend corps.
Photographier les points cardinaux et collatéraux.
À l’aide d’une application-boussole en réalité augmentée pointant vers le Point Zéro, chaque photo devient un geste d’orientation : un dialogue entre la marche, le repère géodésique et le cercle invisible qui structure l’itinéraire.
Soumettre la marche à deux lectures numériques.
Google Street View : L’œil mécanique recompose le parcours à partir des rues réelles. La restitution devient instable, traversée d’ajustements brusques, de micro-sauts, de redirections forcées.
Synthèse vocale : Le fichier GPS converti en texte est lu à voix haute.
La voix égrène les coordonnées comme un chapelet géographique, révélant une autre manière de raconter le chemin.
Entre le tracé parfait du cercle et la marche concrète se loge un écart constitutif, à la fois géométrique, sensible et technique.
Cet écart se redouble dans la restitution :
Google Street View corrige, découpe, réinterprète le mouvement du marcheur,
tandis qu’une voix artificielle psalmodie la suite interminable de chiffres qui matérialisent la trace.
Ces deux « lecteurs » — l’œil numérique et la bouche synthétique — produisent une hybridité rythmée, où l’expérience corporelle est traduite, déplacée et parfois trahie par les machines.
La performance se tient précisément dans cette zone trouble : un corridor oscillant entre le geste, sa représentation et ses dérives.
Ridha Dhib, Paris, 11 septembre 2018.