Corps et Graphie III

Performance gestuelle le 25 avril 2015, à l’occasion de la journée internationale de la danse, sur l’esplanade de la Bibliothèque nationale de Tunisie.

Esplanade de la Bibliothèque Nationale de Tunisie, samedi 25 avril 2015.

Au sein de ma quête artistique se pose une question fondamentale : que peut la ligne ? Autrement dit, quelles sont les potentialités plastiques d'une trace à la fois ouverte et abstraite ? Je l'expérimente à travers son rapport au plan, au geste et au mouvement, explorant ses résonances avec l'air et la lumière. Je sonde ses capacités à plier, à lier et à générer des textures variées... En somme, j'interroge les promesses expressives d'une ligne oscillant entre fil et trace.


Avant de plonger dans « Corps et Graphie » à la Bibliothèque nationale de Tunisie, mon esprit, parti de Paris, a embrassé ce lieu emblématique à distance. Ce gardien de signes, de traces et de lignes a éveillé en moi une réflexion sur la danse gestuelle entre l'artiste et le scribe : une interaction perpétuelle entre le tracé et le codifié. L'esplanade devant la bibliothèque se transformait alors en une intersection d'expressions, prête à accueillir une empreinte fugace, un dialogue visuel et symbolique se mêlant aux archives éternelles.

Armé de mon pistolet à colle, détourné de sa fonction initiale, mon ambition n'était plus de coller mais de décoller, de libérer la ligne de son plan. Par ce geste, cet outil devenait le prolongement de mon désir et l’extension de ma main, permettant à la colle de se transmuter en lumière. Les lignes qui émergeaient devenaient les témoins de la chorégraphie de mon corps et des fluctuations de mes pensées sous le ciel de Tunis.


Le 25 avril 2015, l’esplanade de la Bibliothèque s’est muée en une toile vivante. Les lignes de colle, semblables à des filaments de pensée, s'étiraient d'un point à l'autre, tissant à travers l'air un rhizome invisible au sein duquel les danseurs jouaient, incarnant l'écriture volatile de l'artiste face à l'écriture pérenne du scribe. De ce dialogue inattendu, les danseurs, attirés par ce labyrinthe de lumière, sont devenus mes alliés. Leurs corps, en déconstruisant cette trame, faisaient écho aux gestes de l'écrivain, célébrant le mouvement, la ligne à la fois éphémère et éternelle.

Cette performance, éclosion d'un désir liant concept et réalité, carte et territoire, interrogeait la ligne en tant que vecteur de liberté et de connexion, révélant sa capacité à capturer du temps, à lier des dimensions, dans un contraste entre les gestes éphémères et les corps mouvants des artistes face aux inscriptions pérennes de la connaissance.










Ridha DHIB